La question du temps « repas » (ou de son espace-temps !) nous a déjà amenés à une réflexion quant à son aménagement. L’occasion de :
- souligner que ce qui existe sur le marché ne suffit pas nécessairement à faire honneur à ce moment important ;
- voir comment l’imagination et l’inventivité de chacun et chacune peuvent (doivent !) y répondre ;
- comprendre que deux ou trois petits changements, pouvant sembler anodins, parviennent à complètement transformer ce temps du repas et à en faire résonner sa dimension « plaisir social ».
Mais maintes questions demeurent, à commencer par celle du rythme des tout-petits : comment le respecter ? Et dans quelle mesure notre posture d’adulte peut-elle jouer ?
Chacun son rythme ou se poser les bonnes questions
Collectivité expliquant, vous avez sûrement connu (ou connaissez actuellement !) le cas de tout-petits qui, en plein milieu du repas, se lèvent de leur chaise pour partir explorer les horizons de la salle… courir… jouer, etc. avant de revenir s’assoir un temps et repartir ensuite aussi sec !
Ces « désertions » temporaires et récurrentes ne peuvent que bousculer le repas : celui de nos petits déserteurs bien sûr, mais aussi celui des autres. Elles déclenchent aussi de la part de l’adulte, alias nous qui accompagnons des bébés au quotidien, la répétition de formulations du type « On n’a pas fini de manger, reviens t’asseoir s’il te plaît ! ».
Question évidente venant alors à l’esprit : comment éviter que ce ou ces tout-petits ne se lèvent ainsi à de multiples reprises ? Mais « éviter » appelle dans un certain sens à limiter, contraindre, obliger, bloquer le mouvement. L’utilisation de tels termes nous montre que le vrai questionnement se pose peut-être ailleurs.
Comment éviter, en tant qu’adulte, d’être dans l’injonction perpétuelle ?
Analyse de l’effet des styles éducatifs sur le comportement des tout-petits
De manière succincte, qu’en ressort-il ? Vous êtes dans l’autoritarisme (exercice d’un contrôle, style très directif) ou, au contraire, dans la permissivité la plus totale (aucune règle) ? Cela a des répercussions négatives… à l’encontre (notamment) du plaisir alimentaire, tout en engendrant maints problèmes en rapport à l’alimentation.
En revanche, le style démocratique, lui, démontre des impacts positifs : tout en établissant des règles claires que les bébés connaissent et sont amenés à respecter, leur autonomie est respectée : ils découvrent les aliments à leur rythme, écoutent leur faim et satiété, etc.
Cela nous aiguille dès lors d’ores et déjà sur la manière d’être, le comment être avec les tout-petits lors du temps repas.
Pour autant, il est évident que cela ne peut éclipser la question du « pourquoi » :
Au niveau des bébés : quelles sont les raisons expliquant leurs allers-retours ? S’agit-il d’un besoin moteur ? Expriment-ils une gêne (mal installés !) ? Manifestent-ils un autre besoin physiologique (par exemple, la fatigue) ? Un ennui ? Une observation fine est nécessaire, relativement à cette dimension du ou des besoins exprimés.
Au niveau de l’adulte aussi : en quoi ce ou ces comportements sont-ils mal vécus ? Est-ce lié à une question d’éducation personnelle ou à des codes socio-culturels (« on ne se lève pas de table tant que le repas n’est pas fini ! ») ? Une réflexion à réaliser pour mieux réfléchir sur sa propre façon d’être, d’agir et de réagir.
Penser, réfléchir sa posture : un premier pas avant d’aller plus loin
Sandrine Mercier a alors entrepris dans cette lignée d’analyser sa posture, ses faits et gestes comme ses paroles lors du temps repas, en les associant aux conséquences observables au niveau des tout-petits.
Résultats ? Deux principalement :
– elle se levait très fréquemment : pour aller chercher les plats, l’éponge, de l’eau, etc. ;
– elle répétait de nombreuses fois « non ! ».
Deux « éléments » non anodins… qui ne peuvent que jouer sur le climat et les comportements manifestés lors de ce temps.
Deux éléments aussi, qui permettent ensuite, d’aller plus loin, d’évaluer plusieurs paramètres pouvant influer sur le bien-être des tout-petits.
En la matière, des expérimentations sur :
Le temps du repas : et si l’écourter pouvait changer les choses ? Mais dans une juste mesure : il ne s’agit pas de bousculer les bébés, ni précisément, de ne pas leur laisser le temps de manger !
La position de l’adulte : et si s’asseoir à côté du petit « déserteur » régulier pouvait permettre un meilleur accompagnement ? Mais il ne s’agit pas de le « bloquer », ni au sens propre, ni au sens littéral – cette approche ne convenant pas à Sandrine Mercier ;
l’assise du tout-petit : des tabourets plutôt que de petites chaises à accoudoirs – cela n’empêchant pas les sorties précoces de table, mais les rendant à la fois moins dangereuses (chaises partant à la renverse) et moins gênantes pour les autres enfants (coup de chaise dans la table, table poussée, etc.).
l’installation d’un chariot à roulette à proximité de la table, à disposition des bébés et avec un double bénéfice : moins de levées pour l’adulte et une opportunité pour les tout-petits ayant besoin de bouger de le faire pour participer au repas, en cherchant les choses nécessaires (de quoi dresser la table, la débarrasser, la nettoyer, etc.).
Conclusion ?
Des temps de repas beaucoup moins mouvementés ! Y compris et d’abord pour notre bébé ayant tendance à aller et venir ! Celui-ci s’avérant capable de demeurer jusqu’à 20 minutes assis.
En conséquence, plus de plaisir pour tous autour de ce moment alimentaire véritablement vécu à part entière…
Et un regard de l’adulte transformé (un vécu également !) : le bébé dit « agité » d’avant n’étant plus considéré comme tel…